La roupie croupit

20 octobre 2013

Les amis, l’heure est grave car l’Inde est malade, malade de sa monnaie la roupie. En effet celle-ci a perdu depuis le début de l’année, plus d’un cinquième de sa valeur faisant s’envoler le prix des matières premières, du pétrole, de tous les produits importés. La baisse de la roupie plombe la consommation et par conséquent la croissance qui ne dépassera pas cette année les 5% en Inde.

Tout cela, selon moi, n’a rien d’étonnant. C’est en fait le nom même de cette monnaie qui pose problème. Ajouter un « c » à roupie et cela nous donne « croupie » du verbe croupir synonyme d’immobilité, de déchéance et d’extrême misère. On peut finalement dire que la roupie croupit ! Pour les amateurs de scrabble ajouter un « r » à roupie et nous obtenons le joli mot suivant de 7 lettres « pourrie » du verbe pourrir évoquant la décomposition, terme soit dit en passant également utilisé pour définir croupir. Par conséquent affirmer que la roupie est une monnaie croupie (1) ou une monnaie pourrie est l’évidence même.

Mais la véritable raison qui permet d’expliquer la déroute de la roupie est ailleurs. Il faut la chercher sur le billet lui-même ! En effet tous les billets, qu’ils aient une valeur de 5, 10, 20, 50,100, 500 et 1000 roupies, ont sur leur face verso la personnalité la plus emblématique en Inde à savoir le Mahatma Gandhi et c’est bien là que le bât blesse. Est-il besoin de rappeler que ce dernier a toujours vivement critiqué la « logique » de l'économie de marché et plus généralement la civilisation occidentale qui, en créant de nouveaux besoins liés à l'argent, a accru les inégalités ? L'accès à la richesse pour tous est pour lui impossible et l'individu doit lui-même contrôler ses besoins. « L’art de devenir riche, dans le sens commun du terme, n’est pas seulement l’art d’accumuler beaucoup d’argent pour nous-mêmes, mais aussi celui de découvrir comment notre voisin peut en obtenir le moins possible. En termes exacts, c’est l’art d’établir le maximum d’inégalités en notre faveur ». Cette citation de Gandhi résume très bien sa philosophie à l’égard de l’argent. Les autorités monétaires indiennes n’ont manifestement pas bien compris le message de ce dernier car s’il y a bien une personnalité qui n’aurait jamais dû se retrouver sur un billet de banque, symbole même de l’économie de marché, c’est bien le Mahatma Gandhi. C’est évident qu’avec un tel personnage sur les billets, personnage qui considérerait comme un péché d'amasser des richesses, la roupie allait perdre de sa valeur. Le résultat est d’ailleurs le même que si on avait décidé de représenter sur les billets des petits lapins. Si vous ne comprenez pas cette allusion aux lapins, chose que je peux comprendre aisément car le lien entre Gandhi et les petits lapins n’est pas forcément évident, je vous invite à consulter une de mes anciennes chroniques intitulée « Zaitchik où la crise financière en Biélorussie». Mais revenons-en à nos moutons.

Aujourd’hui c’est peu dire que la situation économique en Inde est peu glorieuse. Terminé, les études à l’étranger des enfants et la consommation à l’occidentale…Tous ces centres commerciaux qui ont poussé comme des champignons dans toutes les villes du pays sont à la peine, les ventes de voiture sont en chute libre. On a d’ailleurs l’impression que la prédiction qu’avait faite Gandhi sur la civilisation occidentale est en train de se réaliser aujourd’hui en Inde : « Cette civilisation est telle que l'on a juste à être patient et elle s'autodétruira. »

Par ailleurs je ne vous apprendrai rien en vous rappelant que le MahatmaGandhi prônait constamment la non-violence. Or si il y a bien un domaine où la guerre fait rage c’est bien les monnaies. Ne parle-t-on pas de la guerre des monnaies ? C’est d’ailleurs l’état normal ou si vous préférez la règle sur le marché des changes (2). Nous avons là encore l’illustration parfaite que Gandhi n’a rien à faire sur un billet de banque. C’est ce que j’appellerai finalement une anomalie monétaire ! C’est à se demander ce que fabrique Christine Lagarde à la tête du FMI, l’instance chargée entre autre de garantir la stabilité financière. Elle aurait dû prévenir les autorités monétaires indiennes et leur dire « eh les gars arrêter les conneries vous avez mis le Mahatma sur vos billets vous allez droit dans le mur.. » au lieu de ça elle a laissé faire confirmant par la même ses piètres compétences en matière économique.

Je sais ce que vous allez me dire les amis : « et toi si t’es si malin, au lieu de critiquer cette vieille taupe qu’est Christine Lagarde, qu’as-tu à proposer pour que l’Inde retrouve des couleurs ? »

La solution est simple les amis, il faut mettre les billets à l’effigie d’une personnalité qui soit une vrai crapule en parfaite osmose avec l’économie de marché, une personnalité qui n’hésite pas à licencier à tour de bras, bref une personnalité qui rassure les investisseurs. Et le hasard fait finalement bien les choses puisque la pire des crapules que compte cette planète a justement la nationalité indienne. Il s’agit, vous l’avez sûrement deviné, comme tous les salariés du site de Florange, de Laksmi Mittal cet homme d'affaires indien spécialisé dans l'industrie sidérurgique et président d'Arcelor Mittal. Nul doute qu’avec cet escroc sur les billets, la roupie reprendra des couleurs. Je vois le billet d’ici avec en premier plan le visage rayonnant de Laksmi et en arrière-plan les hauts fourneaux de Florange.

Peut être considérez – vous que cette chronique est à dormir debout ? Je ne peux pas vous donner tort puisqu’une chronique sur la roupie donne forcément envie d’aller piquer un petit roupillon. Qui dit roupie dit roupillon quoi de plus logique. Mais surtout un petit conseil que je vous donne avant d’aller faire votre sieste, écouter un peu de musique. En effet vous n’êtes pas sans savoir que celle-ci améliore singulièrement la qualité du sommeil. Pour ce faire je ne saurai trop vous conseiller l’écoute de ce fameux titre de Michel Berger……… « La roupie du pianiste » !!

(1) Expression inventée par le docteur Chabry, l’adjectif croupi étant généralement utilisé pour désigner de l’eau stagnante et fétide (de l’eau croupie)

(2) Rien à voir avec les changes complets également appelés couches culottes