Pilotage Automatique

16 novembre 2011

Les amis, l’élection présidentielle approche à grands pas et les débats politiques à la TV vont se multiplier. Les politiques vont encore s’inspirer de ce qui se fait à l’étranger pour étayer leur programme. Les uns vanteront le modèle danois (1), d’autres le modèle allemand basé sur l’exportation, d’autres encore évoqueront le modèle chinois, Arlette Chabot sera aux anges et le téléspectateur s’endormira au bout d’un quart d’heure d’émission. Aussi je me pose la question suivante, question que je me suis posé en dégustant le week-end dernier les excellentes frites de mon ami Raphael alias « Maître Barbecue » propriétaire de plusieurs cabanes à frites dans Le Lavandou. Pourquoi n’évoque-t-on jamais dans ces émissions politiques, je dis bien jamais au grand jamais, le modèle Belge ! La Belgique a pourtant, pour l’année 2011, d’excellents indicateurs économiques eu égard à la crise qui touche tous les pays de la zone euro. La Belgique a ainsi un taux de croissance du PIB de 2.4 % (contre 1.6 % pour la France), un déficit public de 3.5 % (contre 5.8 % pour la France) et un taux de chômage de 7.8 % (contre 9.5 % pour la France). On a plus trop envie de faire des histoires belges après avoir dit çà n’est ce pas ?

Bien revenons à nos moutons car je vous sens impatient de connaître le secret de ce modèle. C’est très simple en fait car celui-ci se résume en deux mots : Pilotage Automatique (PA).

La Belgique a en effet cette particularité unique au monde de ne plus avoir de gouvernement depuis plus d’un an et demi (2) et elle ne s’en porte pas plus mal les chiffres en attestent. Il y a certes encore un gouvernement fantôme qualifié de gouvernement « d’affaires courantes » c'est-à-dire qui effectue des tâches relevant de la gestion journalière (faire le café, serrer des mains, inaugurer les chrysanthèmes (3)...) mais il n’y a plus de grands projets, plus aucune initiatives malheureuses donc pas de dépenses nouvelles et donc une situation économique et sociale beaucoup plus saine qu’en France. De là à dire que l’efficacité de l’action politique en matière économique et sociale est à relativiser il n’y a qu’un pas que j’ai bien envie de franchir. En France par exemple notre gouvernement a pris des initiatives peu judicieuses. Pour n’en citer qu’une on peut mentionner la loi TEPA ("Travail, emploi et pouvoir d'achat") de 2007 qui s’est traduite par une exonération des charges sociales pour les entreprises et les salariés sur les heures travaillées au-delà de la durée légale et par 4,5 milliards d'euros en moyenne par an (4) de manque à gagner pour les finances publiques. Nous aussi en France on aurait souhaité ne pas avoir de gouvernement histoire de respecter la fameuse règle d’or, également appelée « frite d’or » en Belgique, projet gouvernemental censé prévoir un retour progressif à l’équilibre budgétaire.

Non y’a pas à dire le pilotage automatique c’est vraiment une bonne chose en cette période de crise. Je devrai plutôt dire c’était une bonne chose car le socialiste Elio di Rupo, 60 ans, ingénieur chimiste (5) et patron du PS francophone a réussi dernièrement à négocier un accord avec les cinq partis francophones et les trois flamands permettant à la Belgique de sortir de cette impasse politique en lui octroyant un nouveau gouvernement. C’est à croire que les Flamands, pourtant ancrés à droite ont apprécié Elio qui lui est socialiste. Peut être est-ce du au fait que la rose et le socialisme font bon ménage et comme les flamands aiment bien le rose, ne dit-on pas d’ailleurs les flamants roses ? Bon je m’égare, revenons en à notre pilotage automatique (PA). La vérité c’est que le pilotage automatique a fait ses preuves et pas seulement en politique. C’est ainsi qu’il est désormais incontournable dans le domaine aéronautique, maritime sans oublier les métros. L’importance du PA a ainsi été révélée aux yeux du grand public dans un excellent film d’auteur de 1980, que je ne saurai trop vous conseiller, « Y’a-t-il un pilote dans l’avion ? » avec Leslie Nielsen dans le rôle du médecin et cette fameuse poupée gonflable qui fait office de copilote. Moralité du film tout le monde sort indemne dans la joie et la bonne humeur. Mais le PA ce n’est pas seulement les avions c’est également les métros. Le pilotage automatique permet ainsi à une rame de métro de circuler sans intervention du conducteur. Il est apparu dans les années 50 à la RATP, il devait permettre l'allégement des tâches des conducteurs et une meilleure régulation du trafic. Le MP 51 fut ainsi le premier matériel équipé du pilotage automatique. Pourquoi 51 me direz-vous ? C’est très simple, les agents de maintenance avaient voulu à l’époque rendre hommage à leur boisson favorite le pastis 51 d’où ce nom « MP 51 », MP signifiant métro sur pneumatiques. Le problème c’est que le tapis de pilotage automatique du métro de Paris de l’époque reposait sur un système de grecque. Oui vous avez bien entendu un système grecque autant dire que le procédé n’était pas vraiment fiable et qu’il a foutu une pagaille comparable à celle que la Grèce vient de mettre dans la zone euro, c’est peu dire. Pour vous la faire simple le métro suivait les vitesses inscrites dans le tapis, en accélérant s'il allait plus lentement que les vitesses indiquées ou en freinant dans le cas contraire. Problème le tapis était grec comme je vous l’ai dit et les vitesses inscrites dans celui-ci étaient pour le moins très réduites. La conséquence de tout çà a été que les métros étaient toujours obligés de freiner, leur vitesse de pointe égalait celle d’un RER B aux heures de pointe et l’objectif de régulation des trains s’en trouvait réduit à néant. C’est pourquoi à partir de 1975, un nouveau système fut employé pour la ligne 6, avec captage d'un courant à 135 kHz. pour ceux que çà intéresse contre 8kHz pour la Grecque.

Malgré ce bémol, les vertus du pilotage automatique sont indéniables. Néanmoins, en matière politique, le pilotage automatique a peut être atteint ces limites en Belgique. Pourquoi ? car d’après les instituts de sondage belges, le moral des ménages s’ef….frite !

modèle basé sur la « flexisécurité » consistant à coupler une grande flexibilité sur le marché du travail pour embaucher et licencier plus facilement avec une protection sociale élevée.
crise institutionnelle engendrée par une division politique de plus en plus profonde entre le Nord flamand ancré résolument à droite et le Sud francophone en Wallonie ancré à gauche
expression du général de Gaulle signifiant que le rôle occupé est seulement honorifique
chiffre issu du rapport réalisé au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques par deux députés issus de la majorité et de l'opposition