Le taux de transformation

Les amis, je vais aujourd’hui vous parler d’un taux mais pas de n’importe lequel puisqu’il s’agit d’un taux qui sort un peu de l’ordinaire et dont j’ai entendu parler pour la première fois il y a peu par un ami à moi, le professeur Cure pour ne pas le citer.

 « Regarde France 2 demain soir il y a un reportage sur le taux de transformation, je ne t’en dis pas plus ! » me dit-il en me laissant seul avec toutes mes interrogations sur ce fameux taux de transformation. A quoi ce taux pouvait-il bien faire référence ? J’avais l’impression, impression qui allait s’avérer totalement fausse par la suite, que ce taux pouvait être annonciateur de choses positives, de choses prometteuses à la différence de ces taux que sont notamment le taux de chômage, le taux de délinquance, le taux de pauvreté, le taux de suicide dont les médias ne cessent de mentionner les chiffres à longueur de journée nous plongeant par la même dans une morosité sans nom.

Dans l’attente de voir ce reportage sur le taux de transformation, je ne pus m’empêcher d’élaborer plusieurs hypothèses quant à celui-ci. Il va de soi que j’aurais pu tout de suite assouvir ma curiosité en faisant des recherches sur Wikipédia mais j’avais envie de faire travailler mon imagination et puis, au fond de moi, je pressentais déjà que ce taux risquait malheureusement de me décevoir fortement, aussi, me suis-je dit, autant spéculer (1) sur celui-ci avant de découvrir la triste réalité de ce dernier.

Tout d’abord j’ai cru que ce taux de transformation avait un rapport avec la chirurgie esthétique. En effet le Professeur Cure portant un goût immodéré aux femmes et s’étant déjà adonné à la production de prothèses mammaires dans son usine à Guéret (2), il était tout à fait plausible que ce taux traduise l’augmentation mammaire des clientes du professeur. Un taux de 100% signifiait alors, dans le cas présent, qu’une cliente, après la pose des implants, avait désormais une poitrine deux fois plus conséquente, deux fois plus imposante ou, pour dire les choses plus crument, deux fois plus grosse si vous préférez.

Puis je me suis ravisé en pensant que ce taux devait plutôt avoir un rapport avec le rugby. Et pour cause puisque la transformation est un terme bien connu en rugby consistant, après un essai, à réussir un tir au pied entre les poteaux au-dessus de la transversale. En outre le professeur m’avait bien stipulé que ce reportage passait sur France 2, or cette chaîne est justement celle du rugby, celle où sont retransmis les matchs actuellement calamiteux du XV tricolore. Un taux de 100% signifiait alors, dans le cas présent, qu’une équipe avait réussi toutes ses transformations. Ce qui ne fut pas le cas, soit dit en passant, de l’équipe de France lors de la rencontre du tournoi des 6 nations du 3 février 2013 contre l’Italie. En effet notre XV tricolore en plus d’avoir perdu ce match 23 à 18 avait un taux de transformation de seulement 50% puisque sur les deux essais réalisés par la France ce jour-là un seul avait été transformé.

Malgré la pertinence de ces deux premières hypothèses qu’étaient la chirurgie esthétique et le rugby, je décidai pourtant de poursuivre ma réflexion sur ce taux de transformation. Si je m’en référais à cette fameuse maxime du chimiste français Antoine Laurent de Lavoisier (1743-1794) "Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme", la tâche risquait d’être ardue car je me rendais bien compte que ce taux pouvait finalement porter sur tout et n’importe quoi. C’est ainsi qu’il pouvait tout aussi bien avoir trait à la chimie (les transformations chimiques), qu’à l’énergie solaire (qu’on transforme en d’autres formes d’énergie notamment électrique), qu’à la transformation ou valorisation des déchets, qu’à l’environnement (transformé par les paysagistes) mais aussi aux phénomènes météorologiques (les tempêtes tropicales qui se transforment en ouragan).

Mais toutes ces hypothèses étaient un peu trop sérieuses à mon goût. C’est pourquoi je décidai d’aller voir ma fille Emma, âgée de 5 ans, pour savoir si elle avait une idée de ce sur quoi il pouvait bien porter ce fameux taux de transformation. Sa réponse fut catégorique : « je sais bien que je ne maitrise pas encore les pourcentages me dit-elle avec cet air désolé qui me donnait envie de la serrer très fort dans mes bras, mais je suis certaine, rajouta-t-elle avec un aplomb déconcertant, que ce taux a un rapport avec la grenouille, tu sais celle qui se transforme en prince charmant dans mon histoire….. ». Il n’y avait pas à tergiverser, il s’agissait bien de ma fille, elle avait l’esprit encore plus tordu que moi. Mais après réflexion, son raisonnement, consistant à faire un rapprochement entre un animal, en l’occurrence une grenouille, et le taux de transformation, ne me parut pas aussi insensé qu’il en avait l’air. En effet le taux de transformation aurait tout aussi bien pu porter sur le cheval qui comme tout le monde sait, s’est récemment transformé en bœuf dans nos assiettes.

En même temps pourquoi se limiter aux animaux me dis-je, le taux de transformation pouvait également concerner certaines catégories d’individus comme les magiciens qui passent leur temps à transformer les choses ou les transformistes qui passent le leur à se glisser dans la peau des stars ou même encore les journalistes qui transforment les mots en armes. Je n’oublie pas non plus cette catégorie d’individus que je qualifierai d’imaginaires que sont les supers héros et qui eux aussi ont une capacité à se transformer assez remarquable. J’en veux pour preuve le docteur Banner qui, sous l’emprise de la colère, se transforme en une créature verte, répondant au doux nom de Hulk, à la musculature hypertrophiée et d'une extrême violence. Et Jésus Christ ?me direz vous. Et vous avez raison car lui aussi entre dans cette catégorie des supers héros puisque, est-il besoin de le rappeler, il a réussi l’exploit de transformer l’eau en vin durant les noces de Cana, ce n’est pas rien tout de même. Qui dit Jésus Christ dit amour et pourquoi le taux de transformation ne porterait-il pas sur l’amour ou plus précisément sur l’amitié susceptible de se transformer en amour.  Vous me suivez ? Le taux de transformation représenterait alors dans le cas présent la part des relations amicales se transformant en relations amoureuses.

Toutes ces hypothèses sur le taux de transformation me donnaient le tournis mais me rendaient finalement plutôt optimiste car les possibilités d’avoir enfin un taux que l’on pourrait qualifier d’original étaient nombreuses. C’est pourquoi je fus particulièrement affecté lorsque j’appris ce qu’était vraiment le taux de transformation en regardant l’émission de reportages « Envoyé spécial » sur France 2. Au début ça partait pourtant plutôt bien puisque le reportage en question portait sur les boutiques de lingerie, ce qui n’était pas pour me déplaire je dois bien vous l’avouer. Mais c’est après que ça s’est gâté lorsque la responsable de la boutique a expliqué que ce qui la motivait vraiment dans son boulot c’était le taux de transformation , à savoir la part de clientes qui ressortaient de son magasin avec au moins un article acheté sur l’ensemble des clientes de la journée. Il fallait que ce taux soit bien entendu le plus important possible. Et voilà notre taux de transformation n’était ni plus ni moins qu’un indicateur clé de l’efficacité et de la rentabilité du magasin, un indicateur finalement révélateur de notre société obnubilée par le profit.

Inutile de vous dire les amis que c’est le genre d’anecdote qui me donne envie d’écrire, écrire pour effacer cette triste réalité, écrire pour espérer, écrire pour transformer une chose en une autre.

(1)   Bien que cette spéculation porte sur un taux il ne s’agit pas de faire des spéculations financières mais plutôt de raisonner

(2)   chronique du 27 janvier 2012 "le professeur Cure crée son usine de fabrication d'implants mammmaires"

Antoine Laurent de Lavoisier (1743-1794) "Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme",